La peur qui fait tendre l’oreille - par Anna

 

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Quand j’ai vu sur le site, il y a trois jours, la page dédiée à mes en-quêtes, la peur m’a submergée d’un seul cou, et m’a attaquée justement à ce niveau du corps, le cou, par une douleur qui m’a figée sur place. Je ne pouvais plus bouger la tête. 

 

Le cou ! Cet entre-deux entre le corps et l’esprit, cet organe qui sert à tourner la tête dans tous les sens afin de voir toutes les faces d’une situation pour l’analyser, qui me sert à dire oui, qui me sert à dire non lorsque les sons ne veulent pas traverser ma gorge, parce que les émotions prennent le dessus et que je n’arrive plus à articuler un seul mot, ma tête se met alors à vaciller sur elle-même en disant oui ou non selon la situation. Reflex que j’ai appris cependant à contenir, parce que ça ne se fait pas, on pourrait penser que je suis folle.

 

Justement ! Elle est là, ma peur, qui paralyse mon cou : « si tu dévoiles tes pensées profondes, on ne pourra que penser que tu es folle et on t’enfermera… encore… »

 

Tout remontait en vrac, mes mémoires de cette vie, mêlée à d’autres que je ne connais pas encore, que je n’ai pas encore décryptées mais qui sont là, en moi, comme m’appartenant, des flashs en moi, d’enfermement, de barreaux, de corps-prison à se taper la tête contre les murs, de doigt pointé sur moi, de regards glaçants, jugeant, condamnant…

 

Non, tout ça n’allait pas recommencer, j’ai passé ma vie à cacher ce que j’étais, qui j’étais, pour paraître normale, pour me fondre dans la masse, pour ne pas faire honte à mon entourage. J’ai passé ma vie à apprendre à me comporter comme tout le monde, presque à penser comme lui (le monde), j’ai appris à parler, à faire semblant, à emprisonner mon moi profond, celui qui gêne les autres, celui qui dérange, celui qui choque, celui qu’il faut dresser, (mon père répétait : un enfant, c’est comme un animal, ça se dresse, pendant que je pensais, mais d’où vient cette idée qu’il faut dresser les animaux ?).

 

J’ai donc passé ma vie à essayer de bâillonner mon moi profond (même si je n’ai jamais réussi complètement parce qu’il ressortait à chaque étape cruciale de ma vie pour me faire prendre le tournant qu’il voulait, il résistait, mais ensuite, la sentence était terrible, je tombais dans l’abîme du doute et de la nuit, le relèvement était de plus en plus difficile), j’ai donc passé ma vie à essayer de le refouler pour pouvoir vivre dans cette vie si je ne voulais plus être enfermée dans l’image de la folie, dans mon grenier, derrière mes barreaux, derrière mon corps, ou mes pensées et voici qu’une nouvelle étape, par cette page qui m’est ouverte venait me cueillir, et pas n’importe laquelle, celle, je le sais instinctivement, qui va m’achever. En me tuant. Ma fin est proche, je le sais. Ce n’est pas une histoire de temps, ou pas seulement, mais de vérité. Ce n’est même pas « décide ou décède », en tous les cas, je sais que je vais mourir. A moi-même. A ma pensée ou à mon âme. A mon jeu ou à mon je. Et l’enjeu, l’en-je est si grand qu’il me paralyse. Me voici avec un torticoli monstre, qui dure depuis trois jours.  

 

Trois jours d’agonie, trois jours de mémoires révélées, trois jours d’insomnies bombardées d’images de ces mémoires qui remontent avec des éclairs de compréhension qui me foudroient. Et ce combat intérieur :

 

— Tu n’as plus le droit de garder tout cela pour toi !

 

— Mais si je parle, mon monde va s’écrouler, tout ce que j’ai bâti, pierre après pierre, brique à brique (Et au moment où je prononce ces mots, je me rends compte que c’est exactement les paroles du prêtre à notre mariage : vous allez bâtir votre mariage brique à brique, pierre après pierre) ! Aaahhh, au secours, c’est impossible, (et ma douleur au cou me relance de plus belle, je ne peux plus bouger), les gens qui m’entourent me croient équilibrée, si je révèle tout ce que j’ai vécu, et surtout comment je l’ai vécu de l’intérieur et plus encore et surtout la signification de tout ce que j’ai traversé, mais je vais les tuer, je vais les faire souffrir, et mes parents, mon compagnon, mes enfants, s’ils lisent un jour tout ça, ils se diront « elle était vraiment folle », c’est si éloigné de tout ce que j’ai appris à être, à cacher…

 

— Dis-moi, sincèrement, tu croyais pouvoir le cacher toujours ? N’as-tu pas rêvé de pouvoir être pleinement toi ?

 

— J’en ai rêvé à chaque seconde que j’ai vécue, à chaque pensée que je devais taire, à chaque compréhension qui éclairait ma conscience. J’aurais voulu faire profiter le monde entier de cette joie indescriptible qui me traverse à chaque nouvelle compréhension de l’amour inconditionnel, et qui provoque ces larmes de joie, les seules qui mouillent parfois mes yeux lorsque je suis seule dans ma maison ou sur un chemin de forêt, cachée des yeux du monde, alors que j’ose laisser mon corps exprimer mon esprit. Alors je me mets à danser, à tourner sur moi-même, à pousser des cris, du babil d’oiseau jusqu’au rugissement du félin (fais-l’Un). 

 

Oui, j’en ai rêvé de révéler ce qui se cache réellement au fond de moi ou dans les textes de l’évangile, parce que c’est la même chose, ou dans les évènements que nous traversons, ou dans les rencontres que nous faisons, ou dans les actes que nous posons, ou dans les pensées qui nous habitent, tout est lié, tout est message, le même, tout va dans le même sens, rien ne peut être séparé, rien ne peut être opposé, le froid est la même chose que le chaud, juste une histoire de sensation personnelle, l’infiniment petit se calque sur l’infiniment grand, les couleurs quelles qu’elles soient, qu’on les aime ou non, ne sont qu’une partie de la lumière, et il faut qu’elles soient unies pour la rendre parfaite, comme nos expériences de vie, certaines sont bleues, d’autres violettes, d’autres ont viré au rouge ou au noir, mais rien n’est grave, ni bien ni mal, les couleurs ne sont pas mauvaises, elles expriment seulement des émotions, mais voici que je me laisse déjà entraîner, et mon cœur bat, parce que rien que d’y penser, l’amour inconditionnel me régénère, et d’ailleurs, je ne sens plus mon cou, parce que je recommence à rêver, parce que je sais bien que c’est la seule chose importante, comprendre comment l’amour inconditionnel agit dans cette dimension pour nous emmener plus loin…

Mais voilà, mes prédateurs me rattrapent, et ce sont eux qui te répondent maintenant : le peu que j’ai laissé émerger de moi provoque toujours le même scénario. Au départ les gens sont attirés, parce que quelque chose en moi leur parle, et aussitôt ils veulent me revoir, me connaître, me posséder, me garder pour eux et m’enfermer dans leur sphère. Mais en vérité, ils ne me laissent jamais aller bien loin dans ce que je suis en réalité, très vite l’incompréhension, la peur, la remise en question les rattrape dans leur propre vie ou pensée, mais bizarrement plutôt que me laisser repartir tranquillement, ils éprouvent alors le besoin de me garder, de me séquestrer pour : soit me bâillonner, soit me retailler, soit me raboter, soit me nier et m’humilier. Et si j’arrive à me sauver de leurs griffes, alors ils me dénigrent, ou me traitent de folle, voire de Satan. Alors ces derniers temps, j’avais accepté le fait que cela ne pouvait être révélé dans ce monde, qu’ici c’était impossible, juste quelques petites touches, celles qu’on est capable d’entendre, mais que le plus important ne le serait que dans l’autre. Et peut-être me suis-je en quelque sorte endormie…    

 

— Et je t’ai envoyé le réseau Léo…

 

— Ah c’est toi ? ça ne m’étonne pas vraiment, je me souviens de ma joie lorsque j’ai lu pour la première fois, j’ai vibré comme je vibre en lisant l’évangile, mais… mais… aie, mon cou, non, je ne peux pas, j’ai peur de ce scénario, toujours le même, il y a le politiquement correct qu’on m’a appris, il y a le socialement honnête qu’on m’a en-saigné, il y a le religieusement acceptable qu’on m’a imposé, il y a le familialement convenable qu’on m’a fait promettre, il y a… il y a… tout à perdre… 

 

— Ou tout à gagner… ça aussi tu le sais, c’est bien pour ça que tu es en train d’écrire en ce moment, même si tu te dis que tu n’enverras pas, et c’est parce que tu te dis que tu n’enverras pas que tu oses écrire…

 

— Oh…Oh… Oh…

 

Mon cœur s’emballe, parce qu’à l’instant même où j’écris ces lignes, un mail du réseau Léo s’affiche dans la petite fenêtre qui apparaît en haut à droite de mon ordinateur : « Bonjour Anna, pour info, bises. 

Véronique R a laissé un nouveau commentaire dans votre article de blog :

Merci d'avoir envoyé ta lettre <3

 

— Et bien voilà, tu vois, c’est tout, ne pense pas plus loin, tu n’en es pas capable aujourd’hui, c’est ça, juste ça, écrire la vérité de ta vie, ces synchronicités, ces questions-réponses entre toi et toi, ou toi et moi c’est pareil, le Père est dans le fils et le fils est dans le Père et je te donnerai au fur et à mesure le courage qu’il faut pour aborder ce qui est plus profond, plus difficile.

Ne t’inquiète de rien, ne liront tes textes que ceux qui sont capables de les entendre, tu le sais, je n’irai pas plus vite que toi, je respecte ton libre arbitre. Ai-je déjà dépassé tes capacités ? Non, tu peux sauter dans le vide, sans crainte, en toute confiance, tout concourt au bien, l’oublies-tu ? Tu sais pourtant depuis l’enfance que je déploie sous toi un cortège d’anges pour te soutenir. 

 

— Oui, c’est vrai. Et je vais commencer par raconter ça. Comment du point de vue matériel, sans jamais travailler, sans même me permettre de le faire, tu m’as toujours donné tout le nécessaire et même davantage. Ce qui m’a fait comprendre que le donnant-donnant (emploi-salaire, service rendu pour un autre service, etc…) ne peut pas servir le SDA, mais sert TOUJOURS le SDS. Dès qu’il y a retour, cela sert le SDS. Oui, je vais commencer par ça, ces prochains jours. 

 

 

A suivre donc, (tiens où est mon mal de cou ?), et pour ne pas laisser mon prédateur me faire faire marche arrière, je vais envoyer cette page dès aujourd’hui…

Tiens, nouveau message dans ma boîte mail, de l’ami écrivain avec qui je termine un livre écrit à deux voix en ce moment : « Fin/ouf ! Dans la joie ! ».

Une nouvelle page serait-elle en train de se tourner ?  

 

Anna

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Marc Piel (vendredi, 17 novembre 2017 21:45)

    Bonjour Anna, bonjour les Léos,
    merci de poursuivre l'Aventure et nous partager avec tes mots qui coulent comme un torrent revigorant.
    L'expérience me laisse penser que les "problèmes" au niveau du cou, sont souvent liés à un conflit entre le choix du cœur et celui de la peur, la voi.e/x du leurre, le fameux prédateur.
    Je nomme ce phénomène un "noui", un "non choix", ni oui, ni non, lorsqu'un événement important est anje, et que je n'ose trancher, et que je proscrastine.
    Joyeuse fin d'automne.
    M