3. Reconnexion avec mon enfant intérieure - par Yakout et Fred

 

Ce partage raconte comment mon enfant intérieure, jusque-là dissimulée au plus profond de moi, a pu être mise en lumière. Pour me guider dans ce processus de reconnaissance de cette part de moi, ma conscience supérieure me mit sur la piste de la matriochka.

En voici la définition :

 

« Les poupées russes, gigognes ou matriochkas sont des séries de poupées de tailles décroissantes, placées les unes à l’intérieur des autres...

La Mère Gigogne représente une grande et forte femme entourée d’enfants. » Wikipédia

 

 

L’origine japonaise de ce terme, offre une compréhension supplémentaire :

 

Les matriochkas russes sont originaires du Japon.

« Souvenir russe par excellence, les célèbres matriochkas sont si indéniablement liées à la Russie que leur véritable origine a été oubliée. Les poupées sont en réalité japonaises et se nomment kokeshi. »

Les matriochkas russes sont originaires du Japon

 

 

 

L’interprétation en kanji (caractères utiles d’origine chinoise à l’écriture du japonais), associe les termes ko pour « enfant » et keshi pour « supprimer », formant la notion de « faire disparaître l’enfant ».

Tiré de recherches sur internet

 

Il s’agissait donc pour moi de retrouver la plus petite pièce, celle qui se trouvait au cœur de toutes les autres Matriochkas. Renouer le contact avec tous ces enfants intérieurs, était essentiel pour parvenir à guérir des blessures de mon passé et ainsi, pouvoir avancer avec plus de confiance vers ce futur inconnu. 

 

 

Une enquête qui commence avec les services sociaux

 

Fred et moi avons fait le choix d’instruire notre fille à la maison, ce qui déclencha automatiquement la visite à domicile d’une assistante sociale et d’une puéricultrice.

Suite à cette visite, nous avons appris que nous faisions l’objet d’une enquête complémentaire, motivée par ce qu’elles considéraient relever d’informations préoccupantes ; à savoir, le risque d’une non sociabilisation d’Ysis Marie du fait de sa non scolarisation, et le fait de nous avoir trouvé distants lors de leur visite. 

 

Cette enquête a été confiée au Service de Protection de l’Enfance dont le rôle est d’évaluer les éventuels dangers encourus par l’enfant et de s’assurer que ses parents s’occupent correctement de lui. Ce service a donc mené plusieurs entretiens avec nous, lesquels firent émerger toute une série de peurs, notamment celle concernant le retrait d’Ysis Marie et son placement en famille d’accueil ou en foyer.

 

En échangeant avec les LEO, nous avons compris que le sujet des enfants était très présent au sein du groupe à ce moment-là, et que nous devions aller plus loin dans nos compréhensions afin d’apprendre de cette situation.Ainsi, nous réalisions que le Service de Protection de l’Enfance se manifestait dans notre réalité, afin que je prenne conscience qu’en ignorant mon enfant intérieure, je ne pouvais assumer pleinement mon rôle de mère vis-à-vis de ma fille. 

 

Symboliquement, la notion de « distance » relevée par les Services sociaux, était révélatrice d’une double information : c’était un premier indice révélant la distance qui me séparait de mon enfant intérieure, et cela soulignait également que Fred et moi avions des polarités de pensées opposées, qui demandaient à être réajustées.

 

Concernant leur deuxième remarque (le manque de sociabilisation), je n’avais pas saisi immédiatement l’information que je devais en tirer. C’est en effectuant des recherches que je tombai sur cette définition :

 

« On retiendra que la socialisation est l’apprentissage de la capacité d’entrer en relation sociale avec les autres et donc de codes de communication communs.

La sociabilisation est la mise en pratique de la socialisation. Elle est la manifestation de la sociabilité qui est le désir de rentrer en contact avec le type d’individus auquel - bien entendu - on a été socialisé ».

Source Chouette y’a plus école

 

À cette lecture, j’ai tout de suite pensé à un enfant non reconnu, vivant seul, reclus et caché.

Une fois toutes les pièces du puzzle mises bout à bout (les informations échangées avec les LEO, les indices des Services Sociaux, les résultats de mes recherches...), l’existence en moi d’une « petite Yakout » qui souffrait énormément de n’être ni reconnue, ni entendue, était devenue une évidence. J’ai donc décidé d’aller à sa rencontre ; les larmes coulèrent sur mes joues rien qu’en pensant au mot « enfant ».

 

 

Accepter en toute objectivité ce qu’a été mon enfance

 

Voilà qui constituait la première étape dans mon processus de guérison. Elle devenait incontournable, dès lors que je souhaitais me libérer des mémoires traumatiques de mon passé.

 

Rétrospectivement, mon enfance m’apparaît comme douloureuse. Élevée à la dure, j’ai très tôt haï mes parents qui passaient leurs nerfs sur mes frères et sœurs et moi. J’ai eu beau me remémorer mon passé, je n’ai pas le souvenir de moment où ils nous ont serré dans leurs bras ; aucun de nous ne reçut d’affection ni de mot ou geste tendres.

 

De nombreux épisodes me revinrent en mémoire et les relater me permit d’aller toucher cette victime en moi. Mais pas seulement ! Une fois celle-ci conscientisée et accueillie, je fus appelée à aller reconnaître l’autre facette, celle du bourreau que je porte également. D’ailleurs, lorsque j’ai « récapitulé » mon passé, je pus voir clairement les jeux auxquels j’avais joué et comprendre que j’avais toujours endossé tantôt le rôle de la victime, tantôt celui du bourreau.

 

Je me souvins par exemple parfaitement, des coups portés à l’aide du manche à balai en bois, « rezel » (en arabe), avec lequel mes parents avaient l’habitude de nous corriger. Un jour, celui-ci s’est même brisé sur l’un d’entre nous. Dès que nous pleurions, ma mère disait alors : « shèh fik », « bien fait pour toi », ou « bêla foumouk » dans le sens moquerie du terme « ferme ta gueule ».

 

À d’autres moments, j’endossais le rôle de l’alter allié du bourreau. En effet, une partie de moi était parfaitement d’accord pour aller chercher le balai, afin de le remettre à ma mère.

Ainsi, le bourreau en moi, participait par procuration à la correction d’une de mes sœurs. Me laissant prendre à ce jeu, je riais ou me moquais d’elles quand c’était leur tour de se faire battre. Probablement par connivence et parce que chacun des coups qu’elles prenaient, étaient autant de coups auxquels j’échapperais.

 

Être à l’extérieur ne nous offrait pas plus de répit, puisque mon père nous obligeait, mes sœurs et moi, à baisser la tête de crainte que nous croisions le regard d’un homme. Selon lui, comme nous ne regardions jamais suffisamment le sol, il nous traitait de chiennes en appuyant violemment sur notre nuque.

 

Ces propos récurrents, martelant le cerveau, ont petit à petit alimenté l’alter rebelle en moi. Au fil des années, celui-ci prit de plus en plus de force, qu’il allait puiser dans la colère de mon enfant intérieure. Cette rebelle/guerrière était alors pilotée, entre autres, pour faire la guerre aux hommes (au masculin/patriarcat).

 

Mes frères subissaient moins de violences physiques, cependant nos parents ne leur témoignaient pas plus d’affection. Ils nous traitaient souvent de « hmar », « hmara » (espèce d’âne, d’ânesse) et ne nous ont jamais encouragés dans quoi que ce soit.

Cette programmation verbale : « tu n’arriveras jamais à faire quelque chose de ta vie », accentuait ma blessure de dévalorisation et d’humiliation. Cette dernière était probablement une des failles par laquelle s’immisçaient des alter en quête de reconnaissance à travers les études, le sport, les rapports humains, etc.

 

Autre souvenir et non des moindres, celui du bain. Ce qui était un moment d’amusement avec mes sœurs (à trois dans une toute petite baignoire), devenait un calvaire dès que notre mère entrait dans la pièce. Elle nous lavait avec une pierre pour nous décrasser la peau, comme elle l’avait elle-même vécu dans son enfance en Algérie. Cela nous faisait horriblement mal ! Elle nous tenait très fort d’une main et nous frottait comme du linge de l’autre. Même si nous pleurions et lui demandions d’arrêter, elle continuait sans en tenir compte.

 

Je compris que cette manière de faire la toilette, relevait d’un programme transgénérationnel, particulièrement marqué dans la culture arabe, qu’il me fallait conscientiser. Ayant hérité de celui-ci, j’étais convaincue que ce moment n’était pas fait pour me détendre ou prendre soin de moi ; mes gestes étaient alors minimalistes.

Inconsciemment, la salle de bain a donc longtemps été un espace qui me révulsais. D’ailleurs, adolescente puis adulte, rares étaient les moments où je me pomponnais dans ce lieu.

 

Avec le recul, je me rendis compte que je commençais à reproduire cela avec Ysis Marie. Je ne nous autorisais pas à faire de la douche un moment d’amusement où nous pourrions jouer avec l’eau ou écouter de la musique. Mon seul objectif était l’efficacité, qu’elle ressorte propre en un minimum de temps.

J’ai ainsi dû reconnaître la partie de moi qui a joué le rôle du bourreau avec sa fille, la regardant froidement, ou la négligeant par moment sur le plan affectif. Par la suite, Ysis Marie accepta de prendre sa douche avec moi, me montrant ainsi que mon alter bourreau avait été reconnu.

 

Finalement, ce n’est qu’après avoir accueilli ces deux parties en moi : la victime et le bourreau, que ma petite fille intérieure (qu’Ysis Marie me montre en miroir) cessa de ressentir de la rancœur envers sa mère.

 

 

Mettre en confiance mon enfant intérieure grâce au dialogue

 

Je ne savais pas que toutes ces blessures causées durant mon enfance, nous dissociaient à chaque fois un peu plus, mon enfant intérieure et moi.

Il y a tellement de parties morcelées qu’il me faut à présent reconnaître et recontacter !

 

La petite Yakout se sentait mourir lors de chaque fragmentation, parce que personne ne pouvait la voir, ni l’entendre crier.

— « Je ne me sentais plus vivante. Le fait que personne ne voit que tu es temporairement absente de ton corps et que lorsque tu reviens, un petit bout de toi, emporté par le traumatisme que tu as subi, n’est plus là, est un sentiment horrible à vivre ! », m’expliquait-elle.

C’est ainsi que peu à peu, elle a fini par être mise toute entière sous scellé dans un coin de ma psyché, sans pouvoir communiquer avec moi.

 

Ainsi, lors de mon premier contact avec elle, je me suis excusée de ne pas avoir cru qu’elle existait vraiment. Pour moi, elle était abstraite. Toute trace concernant ma douloureuse enfance avait été effacée de ma psyché, rendant la petite Yakout inexistante. Prendre conscience de cette partie de moi qui, depuis le début de mon incarnation n’avait jamais reçu d’amour, me fit pleurer à chaudes larmes.

 

Je sais que s’étant toujours senti abandonnée, elle en est restée profondément meurtrie. Je lui dis souvent que je l’aime, qu’elle est en sécurité maintenant, qu’elle ne craint plus rien et que nous ne serons plus séparées. J’imagine alors que je lui prends la main ou que je la serre dans mes bras lorsque je lui parle. Je lui explique que je vais l’aider à guérir toutes ses/mes blessures.

 

Au tout début de ce travail de « réparation », elle pensait que ça allait être trop difficile pour elle d’aller au contact de tous ces traumas. Je lui ai alors expliqué qu’il ne fallait pas avoir peur car nous allions les dissoudre ensemble. Quelques temps après, je compris qu’elle me disait : « je n’ai plus peur parce que nous sommes réunies ! ». 

 

 

Comment mon enfant intérieure m’aide à guérir

 

Petit à petit, je me suis autorisée à pleurer toutes mes blessures, les unes après les autres, sans jamais les minimiser par un point de vue d’adulte. C’est ainsi que j’ai pu commencer à prendre soin de mon enfant intérieure et à devenir une mère attentionnée m’offrant toute l’aide nécessaire à la résolution de nos mémoires communes.

 

Par conséquent, en étant une mère envers moi-même, c’est-à-dire en recontactant et en reconnaissant les différentes parties de moi blessées et dissociées, je m’offre l’opportunité de me reconstruire pièce par pièce. Ainsi, moins éparpillée et davantage ancrée dans mon présent, je progresse sans relâche  vers ma libération.

 

 

Yakout et Fred

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Jérôme (mardi, 10 novembre 2020 08:49)

    Merci Yakout pour ce témoignage qui m'a fait pleurer du début jusqu'à la fin car je viens également de contacter depuis peu mon enfant intérieur.
    Ce contact n'est plus intellectuel ni mental comme il a pu l'être, il est dorénavant vibratoire et énergétique.
    Je ressens que nous sommes reliés l'un à l'autre par ce cordon vibratoire.
    Chacun répare l'autre!
    Nous nous parlons très souvent, nous ne sommes plus seuls ni séparés à présent.

    Ce que tu écris et décris de ton enfance est en partie ce que j'ai vécu dans la mienne.
    Quand j'ai lu "bêla foumouk", j'ai éclaté en sanglots car mon père qui avait fait la guerre d'Algérie, employait très souvent des mots Arabe, ce mot à bercé mon enfance mais je ne savais pas ce qu'il voulait dire...

    Le travail intérieur des uns fait t'il avancer celui des autres?
    Je commence à en être convaincu aujourd'hui!

    Quel cadeau viens-tu de me faire en écrivant ce texte, je t'en remercie.
    Jérôme

  • #2

    Francine C (mardi, 10 novembre 2020 19:22)


    Je suis très touchée par ton témoignage. Que de courage et de sincérité , il faut pour explorer les souffrances de ton enfant intérieure mais aussi quelle libération aussi plus tard….
    J’en suis passée par là car n’ayant aucun souvenir de geste tendre et affectueux avec ma mère ni même de parole gentille ou neutre, j’ai été une adolescence rebelle , consciente d’un grand manque affectif et remplie d’émotions tempêtueuses de colère contre ma mère avec parfois des pensées suicidaires que je ne pouvais pas exprimer.
    En devenant maman et consciente de mes manques , je me rendais compte malgré la spontanéité affectueuse de ma fille , qu’il y avait une « distance invisible» entre elle et moi , je me sentais sur la réserve , en observation intérieure , incapable d’être spontanée , c’était bien avant le réseau LEO !
    Quand je lisais des articles sur les besoins de notre enfant intérieur , j’essayais de comprendre et d’appliquer ce que je comprenais : me visualiser avec mon enfant intérieure , la chérir , lui parler , refaire le passé , j’en ai passé du temps ainsi avec elle , en secret !
    En parallèle , pour comprendre et pardonner à ma mère , j’ai enquêté sur sa propre enfance : née en 1935 et habitant au bord d’une route nationale , entre ses 5 ans et ses 9/10 ans , pendant la guerre , elle voyait passer les soldats allemands sur le pas de sa maison , elle était dans la peur et l’anxiété , elle s’est construite ainsi puis mariée , elle n’avait pas 17 ans , maman à 25 ans de 4 enfants , souffrant d’avoir perdu un bébé avant ma naissance , deuil qu’elle a mis des années à surmonter…
    A 3 ans, j’avais un petit frère de 1 an et une petite sœur juste née , je comprends l’absence de tendresse et avec le recul , je pense qu’elle était complètement dépassée , en dépression non diagnostiquée à l’époque.
    Toutes ces compréhensions m’ont bien aidée , ont amélioré peu à peu mes relations avec ma mère et aussi avec ma fille , celle-ci , devenue adulte et mère à son tour , a eu l’idée (de son Ange ? ) de m’ offrir un petit tableau avec la photo de nous 4 , bébé , (chacun de nous , ses parents ainsi qu’elle-même et son frère ) : comme je me vois ainsi souvent enfant , j’ai pu finir de guérir mon enfant intérieure.
    Et également , en lisant une fois ,sur du papier toilette « La douceur est invincible ! » , cette petite phrase (envoyée par mon Ange, il n’y a pas d’autres explications !) a déclenché des pleurs de chagrin pendant 15 mn , pleurs bienvenus qui m’ont libérée d’un grand poids et j’ai ainsi pris conscience d’un manque immense de douceur dans ma vie depuis ma naissance et que ma douceur naturelle était trop souvent malmenée par autrui.
    Alors , j’ai décidé de me la donner cette douceur et de la revendiquer intérieurement.
    Désormais , mon enfant intérieure a enfin trouvé un sourire d’enfant choyée et aimée.
    Merci Yakout pour ton courage.