2. Accepter qu’il n’est pas ton ami - par Fred B

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Le 3 août 2019

Après la 1ère expérience, qui avait permis à Ysis Marie de prendre conscience du Corbeau qui l’accompagnait, il y eut quelques autres occasions de l’aider à le mettre en lumière. Mais, il était toujours difficile pour elle de ne pas lui laisser prendre le contrôle et de réussir à lui demander de partir, même avec notre aide.

Une nouvelle occasion se présenta néanmoins au bout d’un mois.

Nous étions alors chez mon père à Sète et nous avions prévu de profiter de la plage. Dès le 1er jour, petit déjeuner sur la plage avant que le soleil ne devienne trop intense. Puis, Ysis Marie demande à y retourner l’après-midi et nous faisons donc une 2ème sortie plage en fin de journée.

Une fois rentrés, suite aux 2 allers/retours à pieds, Ysis Marie découvre une ampoule(1) sur un de ses pieds en enlevant ses chaussures de plage. Et là, le Corbeau s’engouffre dans la brèche et active immédiatement l’alter chochotte d’Ysis Marie. Cet alter on le connaît bien… la vue du sang, que ce soit sur elle ou sur quelqu’un d’autre, provoque immédiatement une crise proche de l'hystérie chez elle. Il n’est alors pas question d’essayer d’essuyer le sang ou de nettoyer le bobo…

La scène est tellement sur-jouée qu’elle en serait comique, si ce n’était pas si choquant de la voir à ce point pilotée et perdre tout contrôle. Alors que tout au long du chemin du retour Ysis Marie galopait et sautillait sans se plaindre de quoi que ce soit, d’un coup elle ne pouvait plus poser le pied par terre ni même marcher, et hurlait de douleur.

Contrairement à la fois précédente, cette fois-ci le Corbeau était en mode combatif et n’entendait pas lâcher l’affaire comme ça. La négociation n’était pas envisageable, Ysis Marie ne voulait pas prendre de douche car l’eau allait lui faire mal et il était impossible de lui faire entendre raison. Je finis donc par la mettre dans la douche, ce qui accentua sa crise à un point tel qu’elle en était encore à hurler qu’il ne fallait pas mettre d’eau sur son ampoule, alors que la douche était finie et le pied avec l’ampoule nettoyé. Elle ne s’en était même pas rendu compte !

Durant le séchage, la crise s’était quelque peu atténuée (les hurlements s’étant transformés en sanglots), mais reprit de plus belle lorsque je lui proposais de mettre un pansement. Alors que j’avais perdu mes 2 tympans depuis un bon moment déjà, je n’étais toujours pas énervé contre Ysis Marie, car j’éprouvais de l’empathie pour elle en voyant qu’elle n’arrivait pas à reprendre pieds, tant elle était possédée et dépassée par la situation. Je tentais de lui expliquer que si nous ne mettions pas de pansement et que nous ne coupions pas la petite peau pour accélérer la guérison, nous ne pourrions probablement pas retourner à la plage le lendemain matin. Mais rien n’y fît et elle ne voulut pas de pansement, quitte à sacrifier la plage.

Au cours du dîner qui suivit, Ysis Marie répéta à plusieurs reprise que son ampoule ne lui faisait même plus mal. Capitulation du Corbeau ou simple instant de répit… la réponse vint rapidement !

Avant d’aller coucher, nous faisons un FaceTime avec Yakout. Ysis Marie est toute excitée à l’idée de dire bonne nuit à sa mère, rigole et fait des grimaces à l’écran en attendant que la communication soit établie. Mais dès que l’image de Yakout apparaît sur l’écran, Ysis Marie se transforme instantanément et se remet à pleurer, au bord de l’agonie, en mettant son pied devant l’écran et tentant d’expliquer à sa mère qu’elle a une ampoule au pied. Les jérémiades d’Ysis Marie étant incompréhensibles et Yakout étant déjà contrariée (la prédation est un metteur en scène hors norme !), car compte tenu des épisodes précédents nous appelions avec 30 minutes de retard, elle met fin immédiatement à l’appel.

Ysis Marie était sous le choc de cette interruption brutale et repartit de plus belle dans les pleurs en me suppliant de rappeler Yakout. Une fois un peu calmée, je luis proposais que nous discutions sérieusement de ce qu’il s’était passé depuis notre retour de la plage. Notre échange a été le suivant :


Moi : est- ce que tu te rends compte que depuis que nous sommes rentrés ton Corbeau est là ?
Ysis Marie : non… je sais pas…
M : tu te souviens de la comédie pour prendre la douche à cause de ton ampoule, que tu ne veux pas de pansement pour qu’elle passe plus vite ?
YM : oui
M : et avec maman, tu as recommencé à pleurer à cause de ton ampoule avant même que vous ayez pu échanger un mot
YM : oui
M : tu ne crois pas que c’est le Corbeau qui t’a fait faire tout ça ?
YM : oui, mais…
M : mais quoi Ysis Marie ? Tu ne crois pas qu’il serait tant de lui dire de partir ?
YM : non ! Je ne veux pas lui dire de partir !
M : Et pourquoi ?
YM : Parce que c’est mon ami
M : ton ami ? En quoi est-il ton ami ?
YM : parce qu’il vient pour que je lui donne mon énergie et que si je lui dis de partir il va être triste
M : tu crois vraiment que c’est ton ami ? C’est ce qu’il veut te faire croire, mais regarde bien, c’est tout le contraire. En fait, il fait tout pour te rendre triste : il ne veut pas que l’on s’occupe de ton ampoule pour que tu ne puisses pas retourner à la plage demain, il fait en sorte que tu ne puisses pas parler à Maman alors que tu étais toute contente à l’idée de l’appeler avant d’aller coucher. Est-ce que tu crois qu’un vrai ami ferait tout pour te rendre triste et te priver de ce dont tu as envie et te met en joie ?
YM : oui, mais…
M : il n’y a pas de « oui mais » Ysis Marie. C’est très simple, soit tu lui demandes de partir, soit tu le laisses s’installer et il va continuer à te rendre triste, te priver de ce qui te met en joie et te prendre ton énergie
YM : oui, mais j’ai peur de lui dire de partir. Je suis pas assez grande et j’ai pas la force de lui dire de partir
M : si tu veux, on peut essayer de le faire partir ensemble et ensuite, petit à petit, tu arriveras à le faire toi-même
YM : d’accord


Nous nous installons alors sur son lit, elle assise sur mes genoux. Je la prends dans mes bras et lui demande de dire à son Corbeau de partir. Après 2 ou 3 « pars Corbeau » un peu timides, je lui conseille d’être plus ferme dans sa demande. Et là, elle envoie un « pars Corbeau » à faire trembler les murs (je me dis qu’après l’épisode de la douche, les voisins vont finir par débarquer !) et éclate en sanglots profonds. Je la laisse pleurer, sans chercher à la calmer, car il ne s’agit pas de pleurs de caprice ou de colère, mais bien de sanglots libérateurs. Elle est clairement en train de lâcher quelque chose qui la dépasse et je ne veux pas interrompre ce processus.

Après un long moment, elle est calmée et je sens qu’il n’est pas nécessaire de revenir à chaud sur ce qui vient de se jouer. Je me contente de lui dire que je savais que ça avait été difficile pour elle, mais qu’elle avait été super et qu’elle avait fait ce qu’il fallait.

Le coucher se passe sans difficulté, mais après quelques minutes Ysis Marie m’appelle… serait-ce le come-back du Corbeau ? Elle veut que je coupe la peau de son ampoule qui la gêne (bonne nouvelle !), mais elle a peur que cela fasse mal me dit-elle d’une voix chevrotante (hum… ça sent un peu le Corbeau tout ça finalement…). Je finis par trouver une petite paire de ciseaux qui lui convient, mais à chaque fois que je m’apprête à couper la peau, elle retire son pied et au bord des larmes m’explique qu’elle a peur que ça lui fasse mal. Pour ma part, je suis assez désemparé : La fatigue de la journée + l’épisode de la douche + le FaceTime manqué et la chasse au Corbeau = un centrage mis à mal et des réserves presque épuisées !

C’est quitte ou double, soit le Corbeau qui plane à nouveau au-dessus de nos têtes arrive à refaire son nid et le mien va finir par sortir pour lui voler dans les plumes, soit nous arrivons Ysis Marie et moi à le faire déguerpir avant qu’il ne s’installe. Je rappelle à Ysis Marie, qu’en me faisant confiance tout à l’heure, elle avait réussit à le faire partir et je lui demande de me faire à nouveau confiance pour couper sa peau et que ça ne lui ferait pas mal. Essayant de retenir ses pleurs, elle me dit qu’elle veut me faire confiance et me laisse faire en fermant les yeux pour ne pas regarder. Tout se passe bien et elle se rendort sans difficulté.

Le lendemain matin, elle dort bien plus tard que d’habitude. Tant pis pour la sortie plage du matin, je prends la décision de ne pas la réveiller car elle a besoin de récupérer après ce qu’elle à lâché hier soir. Mademoiselle se réveille à 9h30 et je lui annonce aussitôt qu’il est trop tard pour aller prendre le petit-déjeuner sur la plage. Je sais que c’est prendre le risque d’envoyer une poignée de graines au Corbeau, mais contre toute attente, Ysis Marie me regarde avec un grand sourire et me dit « ah oui… c’est pas grave, on n’a qu’à le prendre sur le balcon ».

Ysis Marie 1 - Corbeau 0, la journée s’annonce bien !

A suivre…

(1) Définition de l’Ampoule dans « Le Grand dictionnaire des malaises et des maladies » (J. Martel) :

« ... Elle met donc en évidence mon manque de protection, notamment au niveau émotionnel, ou mon manque de résistance. L’ampoule est le rappel d’une faiblesse émotionnelle et l’endroit où elle se situe donne une indication du niveau de la faiblesse. Une ampoule aux pieds est reliée aux directions que je prends dans ma vie et le sentiment d’insécurité qui peut en découler...
J’accepte d’exprimer mes émotions davantage, en suivant le courant de la vie. J’enlève toute limite que je me suis imposée. »


Son Corbeau manifesterait-il ainsi la peur qu’il éprouve face à l’orientation qu’Ysis Marie est en train de donner à sa (leur) vie ?

 

 

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A l’école du Corbeau - Accepter qu’il n
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