Courrier de Sand, adressé à Pôle emploi, le 13 janv. 2019

 

Albières, le 13 Janvier 2019

Identifiant : xxxxxxx

 

Objet : Information sur l'avancement du projet collectif l'ÉCOLEO – Tiers-lieu d'Albières

 

A l'attention de la direction de Pôle emploi,

 

J'ai bien réceptionné vos courriers, mais je constate encore une fois que nous ne pouvons nous comprendre dans le cadre rigide dans lequel nous n'échangeons que par des convenances et non pas par des relations humaines.

 

Je comprends effectivement que par votre charge de travail et la pression que vous subissez de la hiérarchie, vous ne pouvez faire que "m'entendre". Il est dommageable que Pôle emploi ne propose aucune plateforme d'écoute ou de partage d'informations.

Je vous prie cependant de considérer cette lettre jusqu'au bout, ce qui nous évitera de nous retrouver une nouvelle fois à échanger des dialogues de sourds.

 

Comme je l'ai précisé dans les différents courriers que je vous ai adressés, j'ai accepté le poste de co-présidente de l'Association Nouvelle Terre de l'Aude. Cette association qui vient à peine d'être activée, est composée d'une quinzaine de membres actifs dans l'Aude, tous sans emploi. Certains même ont délibérément quitté leur travail (parfois à des postes prestigieux) pour rejoindre la cause de l'association. Nous avons même parmi nos sympathisants des ex-conseillers de Pôle emploi, du RSA, des éducateurs spécialisés, mais qui dégoûtés de cette pression hiérarchique, ont fait le choix de se libérer de ce système.

 

Pour faire au plus court, l'un des projets sur lequel nous travaillons actuellement est de constituer une start-up regroupant des "sans emploi" ou des "désemployés" des métiers sociaux, passionnés par une idée émergente dont le président Macron (probablement à son insu) a été l'instigateur.

Sans vouloir être trop ironique, nous avons traversé la rue et avons tous trouvé un emploi !

 

En clair, nous nous sommes rassemblés, puisque parmi nous quelques-uns habitons proche les uns des autres. Nous avons réfléchi comment créer nous-mêmes nos propres emplois.

L'idée est que par une sorte de start up – même sous une forme non lucrative –, nous pourrions proposer nos idées à autrui.

Ce qui générerait une forme de revenu non pas individuel mais collectif qui, de par sa redistribution sous forme de dividende, pourrait devenir générateur d'un revenu sous la forme d'une part de bénéfice répartie entre les différents participants à ce projet, comme les actionnaires d'une entreprise qui proposeraient non pas de mettre en commun leur argent, mais de collecter et "synergiser" leurs idées.

 

Nous appelons cette "formule" le "Service à autrui", parce qu'elle s'appuie au départ non pas sur un salaire, mais sur une économie de dons et d'échange d'idées.

Pour comprendre comment nous en sommes arrivés à ce concept, nous devions nous rappeler que dans la "lengua de la occa", la langue de l'oie ou des initiés alchimistes du Languedoc, trouver un en-ploie signifie "ployer en soi". Et ployer sous le poids de la croix (le trypalium-le travail) ne signifie donc, ni casser, ni souffrir, ni lutter, ni se battre pour ou contre ce travail, comme nous aurions tous le réflexe de le faire, mais sous-entend "ployer", ce qui suppose de la souplesse afin de pouvoir exprimer notre art.

 

La souplesse est une des caractéristiques du karma yoga, le yoga ou "art de la vie". La souplesse nous permet également de nous redresser lorsque nous choisissons de le faire.

D'ailleurs, l'histoire de l'humanité nous raconte que lorsque l'homo néandertalien s'est redressé, il est devenu l'homme conscient – l'Homo sapiens –, l'homme moderne que nous sommes aujourd'hui.

 

Mais si nous observons l'actualité, nous ne pouvons que constater que l'homme moderne a perdu de sa souplesse. Il s'est rendormi, devenu robotisé et rigide de corps et d'esprit. Il est incapable de voir qu'à cause de la technologie, il est devenu une mécanique dénuée de toute humanité, incapable d'échanges constructifs envers son prochain.

 

Il a perdu toute conscience des vraies valeurs de la vie, parce que noyé dans la confusion et le mensonge, il s'est écroulé sous le poids du labeur, de la culpabilité, de ses peurs, générés par le manque et le besoin d'argent.

Et c'est l'argent qui pousse nos oligarques – ceux qui précisément constituent notre/votre hiérarchie – à commettre l'irréparable.

 

C'est parce qu'ils ne savent pas comment trouver des solutions à la crise dans notre monde, que le peuple s'obstine à lutter contre les oligarques. Puisque ces derniers, de la même manière que le peuple, continuent à croire que le "Dieu argent" résoudra les problèmes de notre monde.

Lors de la crise pétrolière de 1976, un slogan disait : "En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées !"

 

Aujourd'hui, toujours d'après nos élites, la France n'a même plus d'argent. Mais elle a toujours des idées ! Une idée est quelque part une étincelle de conscience qui germe de l'esprit et qui prend de la force puis de l'ampleur quand elle est nourrie.

Des idées, nous en avons plein notre jardin ! Nous avons constitué une pépinière d'idées. Avant de la planter, nous l'avons travaillée, cultivée, affinée.

Mais des idées, personne n'en veut ! Car pour qu'elle puisse grandir, une idée demande à être mise en pratique et nécessite beaucoup d'efforts et de persévérance.

 

Le peuple ne veut plus faire d'effort pour réfléchir. Il préfère payer pour que quelqu'un lui apporte des idées sur un plateau. Une idée vendue, pesée et emballée, devient alors de la distraction. Et là le marché est florissant, n'est-ce pas ?

 

Récemment, nous avons communiqué une de nos idées à la mairie de notre village. Le semaine prochaine, nous avons tous rendez-vous avec la Map'Oc à qui nous partagerons d'autres idées. Certains parmi les médiateurs de l'association ont pris contact avec Gilles et Denis de Batipole, que nous rencontrerons ultérieurement.

 

Une autre des idées que nous avons développée est de proposer le bâtiment en ruine racheté par l'association, comme chantier-école en éco-construction pour Batipole.

L'étape suivante serait de décrocher une entrevue avec des responsables du Conseil Général ou Régional, pour leur proposer plusieurs autres projets et idées.

Ceci dit, conscients de la nécessite d'avoir une structure juridique, nous travaillons actuellement sur l'idée de constituer une SEP (société en participation) rassemblant des auto-entrepreneurs qui pourquoi pas, comme Batipole, pourrait devenir partenaire avec Pôle emploi. Et c'est en cela que nous avons grand besoin de conseils de gens à l'esprit ouvert, non pas pour nous entendre, mais pour nous écouter.

 

Finalement, comme j'ai tenté de vous l'expliquer, personne parmi nous n'a de temps à perdre à la recherche d'un emploi alimentaire, puisque nous avons beaucoup plus à offrir. A partir du moment où nous avons en face de nous des gens qui considèrent cette réalité, nous pourrions développer nos idées et agir efficacement.

 

Et comme le raconte l'histoire du 100e singe, à partir de l'idée d'un homme, une nouvelle réalité pourrait naître dans le village d'Albières, puis dans les environs ! Et ensuite pourquoi pas ailleurs. Les idées sont une richesse qui en se développant deviennent, passion, engouement. Elles deviennent un art qui ne peut générer de valeur comptable en argent. Mais sa contre-valeur, "l'Art des gens", constitue au sein de notre association, ce que nous possédons et "valons" en quantité inestimable.

Il suffit simplement d'un peu de bonne volonté, de l'engouement et de beaucoup de passion.

En vous remerciant de m'avoir lue jusqu'ici, je vous adresse mes sincères salutations.

 

Sand

 

Pour consulter notre projet, voir : https://www.reseauleo.com/l-écoleo/le-projet/

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Frédérique Ahond (dimanche, 19 mai 2019 19:28)

    Je l'avoue sincèrement : je n'ai pas l'admiration facile. Mais là, franchement, chapeau bas !
    Cette lettre est non seulement une intense "profession de foi" mais également un pur morceau d'anthologie... Qui mériterait de finir affichée au format A2 sur les murs de beaucoup de bureaux dans lesquels on se meurt d'ennui et où l'Être n'en finit pas de s'étioler !