Ma première mauvaise expérience sexuelle - par Frédérick

 

Bonjour les LEO, cela fait maintenant quelques semaines que je suis assidument les vidéos des rencontres à Graulhet. Cela m'a amené à demander mon inscription au Cénacle et je me réjouis que ma demande ait été acceptée. Mais j'aimerais faire plus et participer en proposant de partager certaines de mes expériences de vie. Je vous propose donc le texte suivant dont le sujet me taraude depuis quelques jours.

 

Il y a si longtemps que je m'interroge sur la vie que je ne saurais dire quand cela a commencé.

Sur le chemin il y eut d'abord ma famille puis une rencontre, celle de ma meilleure amie, la sœur que je n'avais pas eu.

La vie a fait qu'elle partit s'installer à la Réunion. Je lui promis alors de veiller sur sa mère qui vivait seule et n'aimait guère les humains à part ses enfants et moi-même parce que je partageais son intérêt pour la spiritualité et qu'elle reconnaissait mon ouverture d'esprit et mes capacités de compréhension. Nous nous voyions une fois par semaine environ pour partager un repas.

Puis elle prenait quelques feuilles de papier pour transcrire les messages qu'elle recevait de la part d'un "Homme Haut" avec lequel elle communiquait depuis quelques années. Au debut cela se passait en toute liberté, ma présence permettant seulement une communication plus fluide. Puis, elle ne se contenta plus d'attendre et me sollicita pour poser des questions.

 

Cela dura quelques mois avant que mon stock de questions spirituelles d'ordre général ne s'épuise. Comme elle me pressait toujours, j'en vins à poser des interrogations personnelles.

De relativement banales d'abord, mes questions devinrent de plus en plus cruciales.

Si bien que j'en vins à poser la question qui me tenait le plus à cœur :

« Pourquoi me suis-je fait violer l'été de mes 18 ans ? »

Et la réponse tomba comme un couperet :

Vous avez violé un eunuque !

 

J'ai oublié le reste du message mais la trivialité du langage et l'absence totale de compassion m'ulcéraient et me montraient clairement ce que je soupçonnais depuis quelques temps : ce message ne pouvait provenir de l"Homme Haut" qui se manifestait habituellement.

Il y avait donc eu parasitage, soit venant d'elle, soit de l'invisible.

Je le lui écris et elle refusa de l'admettre ce qui nous amena à nous brouiller. Cette loi du talion déguisée en "Karma", je l'avais évidemment envisagée comme possible explication à l'événement le plus dramatique et le plus conséquent de ma vie.

Mais mes tripes et mon cœur me disaient qu'il ne s'agissait pas de cela et, au cours de mes nombreuses discussions avec ma meilleure amie, nous avions envisagé une autre hypothèse :

"Et si tous les événements qui nous avaient questionnés, contrariés, ralentis, ne s'étaient présentés que pour empêcher notre efficacité à nous reconnecter à nous-mêmes dans notre état originel non-conditionné, notre bouddhéité ?"

Quand nous nous sommes rencontrés lors du concours d'entrée à l'Ecole Normale, la reconnaissance fut immédiate.

Nous portions la même pureté, la même innocence et la même exigence envers nous-mêmes à la recherche de ce que j'appelais alors "la complétude".

 

Je n'en avais pas conscience mais j'étais alors complètement divisé. Extérieurement j'avais l'air sûr de moi, intellectuellement aiguisé et volontiers provocateur et humoristique.

Mon expérience scénique m'avait rendu un brin théâtral et cela rendait ma compagnie intéressante et agréable.

Mais intérieurement j'avais perdu mon étoile et j'étais brisé menu, "lost in time and lost in space. And meaning" comme il est dit dans "The Rocky Horror Picture Show" (un de mes films cultes). De ce qui m'était arrivé l'été de mes 18 ans nul n'était au courant.

A peine parlais-je de "mauvaise première expérience sexuelle" ou "première mauvaise expérience sexuelle".

 

La machine continuait à tourner car elle avait été bien lancée mais elle tournait à vide.

Le Dieu que je voyais partout, qui pour moi était à la fois immanent et émanant et éminamment permanent m'avait abandonné cette nuit-là, me laissant vivre la terreur panique, la sidération et la dissociation (mon corps était là, paralysé et en train de souffrir, mais mon esprit s'était barré dans un espace de grande lumière et pureté).

Et je ne comprenais pas pourquoi.

De quoi étais-je coupable ?

Pour pouvoir continuer à vivre j'ai tout enfermé à l'intérieur et je n'ai pas donné à la chose le nom qui convient.

L'été de mes 35 ans je me suis retrouvé au pied du mur.

Je ne pouvais plus avancer.

 

Alors, il m'a bien fallu me résoudre à demander de l'aide et j'ai entamé une psychothérapie.

Après la souffrance psychique vint la souffrance physique sous forme de fibromyalgie.

C'est alors qu'une conversation téléphonique avec ma meilleure amie suscité un rêve au cours duquel je revécus cette nuit d'horreur. Mais j'avais grandi entre-temps et je lui dis : « cette fois-ci, tu ne m'auras pas ! »

 

Au matin, tout était clair : ce que j'avais vécu n'était pas une "mauvaise expérience sexuelle", cela s'appelait viol et c'était un crime pire que de donner la mort !

Je crois que c'est ce matin-là que je me suis retrouvé, que je me suis reconnecté à ce que je portais en moi en venant en ce monde.

Oh ! je n'avais pas oublié mes premières impressions, cette différence entre l'intérieur symbolisé par mon prénom qui signifie "empire de paix" et l'extérieur qui n'était qu'intranquillité.

 

Je n'avais pas oublié mon incompréhension face aux mauvaises humeurs dont la soudaine manifestation me décontenançait ; ni tous ces comportements qui ne collaient pas avec cette image de responsabilité et de respectabilité que les soi-disants adultes voulaient se donner et donner aux autres. J'avais compris que le seul endroit où j'étais a peu près tranquille c'était derrière les barreaux de mon parc ou ceux de mon lit.

 

Comme je n'étais bien qu'avec moi ou avec ma mère cela m'amena à cultiver un regard perçant pour voir au-delà des apparences. Et force m'était de constater qu'autant le féminin convenait à ma sensibilité autant le masculin m'était incompréhensible et déroutant.

Et je n'ai pas été aidé en cela au cours de ma puberté qui aurait du m'amener dans le clan des hommes. Car si elle s'est déroulée normalement et même précocement sur le plan physique, je ne peux que constater que quelque chose a fait défaut au niveau de l'intégration.

Cela peut paraître aberrant, voire impossible mais je n'ai jamais été guidé par une quelconque pulsion sexuelle car je n'en ai jamais éprouvé.

A 18 ans je n'avais des choses du sexe qu'une connaissance venue de l'extérieur, scientifique d'abord puis opérationnelle car je venais à peine, et par imitation, de découvrir la masturbation et l'éjaculation.

 

Ne connaissant pas le désir sexuel, je ne pouvais le reconnaître chez l'autre.

Il a donc fallu que je m'y confronte douloureusement pour commencer à l'identifier.

Et ce fut le début d'un chemin d'apprentissage qui dura de longues années.

Sans doute n'étais-je pas totalement incarné en venant au monde et fallait-il que je chute dans la matière avant de pouvoir entamer la remontée et la réunification...

 

Frédérick (cénacle - dépt.34)

 

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