Recours RSA - par Eli

 

 

Albières, le 11 mars 2019

 

Lettre à l’attention de Mr le Président du Conseil Départemental

Objet : Recours : Revenu de Solidarité Active

 

Monsieur le Président,

 

Ma situation de « ressortissante européenne inactive » ayant évolué par rapport à ma première demande, je me permets d’introduire auprès de votre organisme un nouveau recours de prestation.

J’ai été brièvement informée du fait que les raisons de votre refus tenaient principalement aux conditions du droit de séjour des étrangers. J’ai donc pris connaissance de la circulaire du ministère de l’immigration n°NOR IMIM1000116C du 10 septembre 2010 qui précise aux préfectures les conditions d’exercice du droit de séjour des ressortissants de l’UE.

Selon l’article L.121-1 et pour son application R.121-4 du CESEDA, « les ressortissants européens inactifs ont un droit de séjour au-delà de trois mois de résidence en France s’ils disposent, pour eux-mêmes et les membres de leur famille dont ils ont la charge, « de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale, ainsi que d’une assurance maladie ».

 

 

Tout d’abord, au sujet des ressources suffisantes :

 

Comme je l’ai stipulé dans ma première demande, bien que j’habite chez quelqu’un qui m’héberge à titre gratuit, et qui comme moi, travaille bénévolement pour l’association Nouvelle Terre de l’Aude, je participe aux frais. Car s’il est vrai que depuis le 31 octobre 2018, je ne perçois plus d’allocations belges, j’ai quelques économies sur un compte épargne qui me permettent de vivre un certain temps (voir photocopie compte en banque en annexe).

 

Par ailleurs, je suis à la fois en train de finir d’acheter un appartement et de le vendre. En effet, environ 1 an avant mon départ pour la France, j’ai signé pour l’achat d’un appartement via un organisme appelé CityDev qui « propose aux particuliers des logements neufs subsidiés par la Région bruxelloise » (https://www.citydev.brussels/fr/propos-de-citydevbrussels).

 

Suite à mon déménagement, j’ai demandé puis reçu l’autorisation de revendre mon bien, une fois celui-ci entièrement payé, c’est-à-dire au plus tard le 31 mai 2019. Les conditions de cette revente sont strictes et déterminées par le Conseil d’Administration de CityDev qui fixe lui-même le prix de revente. Si je n’ai pas le droit de faire de bénéfices sur la vente de ce bien, j’ai en revanche le droit de récupérer la TVA sur la construction, à savoir 11 000 euros (voir mail de Mme Cappendyck en annexe). Aujourd’hui, j’ai trouvé un acquéreur et un compromis de vente est en cours de signature (voir mail du notaire en annexe).

 

Enfin, ce que je peux également ajouter à mon dossier, c’est qu’un projet d’auto-entreprenariat détaillé dans la suite de cette lettre, est en train de naître. En tant que future micro-entrepreneure dans le domaine de l’art et plus précisément de la danse, je ne serai plus une « ressortissante européenne inactive », mais bel et bien active !

 

 

A présent, en ce qui concerne l’assurance maladie :

 

Étant toujours à l’heure actuelle considérée comme inactive, j’ai pris connaissance de la circulaire de la Direction de la sécurité sociale publiée le 11 juillet 2011, qui précise l’ensemble des situations dans lesquelles un inactif européen satisfait la condition d’assurance maladie complète prévue par la directive 2004/38.

 

Conformément à cette circulaire, j’ai introduit auprès de la CPAM de l’Aude en date du 18 février 2019, un dossier CREIC (voir photocopie questionnaire en annexe). L’ouverture de mes droits est donc à l’heure où j’écris, en train d’être étudiée par les personnes compétentes (voir mail du 4 mars en annexe).

 

Lors de mon entretien avec Mme Berthoumieux (CPAM de Castelnaudary) au sujet du dossier CREIC, celle-ci m’informa que les micro-entrepreneurs étaient d’office couverts par une assurance maladie chez Ameli. Me voilà donc assurée d’être assurée une fois mon projet lancé !

 

« Depuis le 1er janvier 2019, toute personne qui crée ou reprend une activité indépendante, qu’il s’agisse d’un artisan, d’un commerçant ou d’une profession libérale, est automatiquement affiliée et prise en charge par l’Assurance Maladie pour sa couverture santé obligatoire. »

https://www.ameli.fr/aude/assure/actualites/bienvenue-aux-createurs-dactivite-independante

 

Enfin, l’information qui m’est parvenue et qui, dans le cadre du rejet de ma première demande, m’a fortement interpelée, est la suivante :

 

« Le revenu de solidarité active (RSA) traduit le droit fondamental de tous les citoyens à disposer de ressources suffisantes pour vivre conformément à la dignité humaine,droit énoncé dans le préambule de la Constitution française de 1946 et par le Conseil de l’Europe. »

 

C’est aussi en vertu de ce droit que je me permets d'insister auprès de votre organisme pour que ma demande de prestation soit réexaminée.

Je profite de l’opportunité qui m’est offerte pour vous exposer d'autres démarches déjà en cours et qui motivent cette demande.

Je ferai donc au plus court et vous remercie de bien vouloir m’accorder de votre temps pour lire ce qui suit.

 

J’ai suivi avec succès un long parcours universitaire tout en pratiquant ce qui pour moi était une évidence : la danse. Et finalement, je n’ai exercé qu’un seul métier, danseuse-chorégraphe.

Cette passion dévorante me coûta cher ! Mon corps, puis mon équilibre psychique commencèrent à souffrir de ma situation professionnelle. En effet, dans cette grande multinationale du showbiz et du divertissement qu’est devenu notre monde, je m’étais peu à peu transformée en produit de consommation avec date de péremption de plus en plus imminente ! Je devais quitter la Belgique pour préserver mon intégrité physique et morale.

 

C’est dans ce contexte de détérioration de mon équilibre personnel que j’envisageai de revoir radicalement ma situation professionnelle. Car mon éthique ne pouvait souscrire aux pratiques de ce monde de sexe et de luxure démesurées.

Sans tirer de trait sur mes compétences et mes acquis, je devais trouver un moyen de modifier la manière avec laquelle je participe à la société et à son évolution. Remettant toutes mes certitudes en question, je décidai de quitter le milieu dans lequel j’étais de toute évidence, en train d’agoniser. Et tournant le dos à un système dominé par la recherche d’argent, de profit et de rendement maximum, je tentais de redevenir souveraine de moi-même, en accord avec mes aspirations profondes.

 

Forte de cette décision, mon chemin croisa celui d’autres personnes animées par ce même besoin. Celui de créer quelque chose de neuf, un nouveau paradigme, dont l’éthique ne serait plus au service du petit soi de l’individu, mais au service de tous.

C’est dans le but de joindre mes forces et mes compétences à ce projet collectif embryonnaire, que je quittai ma Belgique natale en août dernier. Ce projet à l’éthique quelque peu hors du commun, s’articule autour de la réalisation d’un tiers-lieu qui, j’en suis persuadée, servira l’intérêt du plus grand nombre. C’est en tout cas son ambition et celle des nombreux interlocuteurs avec lesquels je suis déjà en relation.

Parmi ces derniers figurent pour le moment la Map'Oc, Batipole et le Conseil municipal. Bientôt le le projet finalisé sera soumis aux collectivités territoriales.

C'est ainsi que depuis mon arrivée, notre collectif est plongé corps et âme dans sa concrétisation, et il y a beaucoup à faire !

Et comme le citait Giuliana Conforto « Le succès d’une nouvelle entreprise quelle qu’elle soit, dépend du mode de fonctionnement de ses auteurs ».

 

 

Alors voici en quelques lignes de quoi il s’agit :

 

Notre association Nouvelle Terre de l'Aude de type "loi 1901", a récemment fait l’acquisition de la vieille maison forestière de l'Estagnol située au col du Paradis à Albières. L’association décida d’y créer un tiers-lieu pluridisciplinaire que nous nommons ÉCOLEO, un centre de culture, de rencontre et d’intelligence, en harmonie avec la campagne qui l’entoure et la nourrit.

Son mode de fonctionnement est le « le Service d’Autrui ».

Le Service d'autrui est quasiment aux antipodes de tout ce à quoi l’humain est habitué !

C’est un concept ou plus précisément une Loi universelle qui découle de la Loi de l’Unité. Cette loi de l’Unité suppose la réalité d'une cohésion intelligente orchestrée dans l’Univers.

Nous savons que dans notre Univers, il existe deux "orientations d’énergie" bien distinctes, qui se répercutent dans le comportement humain.

L’humain est essentiellement un être qui fonctionne et agit pour lui-même, pour son plaisir, son bien-être, sa sécurité, sa survie, c'est-à-dire ses besoins primaires. Il agit fondamentalement de manière intéressée, motivé par l’argent, la possession et le pouvoir. En bref, il a appris à vivre pour lui-même, de manière égoïste.

C’est ainsi que tout humain a subi un formatage de son intellect à ce qui s’appelle le Service de Soi.

 

A contrario, tout humain possède une petite étincelle du Service d’Autrui ou altruisme.

L'altruisme ne peut se révéler que par un comportement parfaitement désintéressé de l’argent, de la possession et du pouvoir sur autrui.

Cette étincelle altruiste, nous l’appelons « qualités de l’âme ». Le futur de l’humanité ne peut trouver d’issue positive que si chaque individu réveille, puis cultive sa petite étincelle du Service d’Autrui.

Observant avec objectivité la situation mondiale actuelle dans laquelle les hommes sont noyés, c'est-à-dire submergés par toutes sortes de problèmes, peurs, maladies, croyances, drames..., nous ne pouvons que nous rendre à l’évidence, l’homme a oublié qu’il possède cette étincelle (le Service d’Autrui) qui pourrait l’extirper de ses malheurs et du chaos ambiant.

 

Notre projet rassemble donc des individus qui depuis des années font des recherches sur ce que représente le Service d’Autrui. Et comme celui qui désire s’orienter vers cette voie se retrouve bloqué par l’absence d’informations à son propos, nous avons imaginé puis entrepris la création d’un tiers-lieu/école : l’ÉCOLEO ! Elle proposera une expérience inédite : celle de la possibilité pour chacun d’apprendre à évoluer au Service d’Autrui.

Ce futur espace collectif a donc pour objectif principal d'offrir à toute personne en quête de cette connaissance, un tiers-lieu d'initiation à l'écologie aussi bien intérieure qu'extérieure.

 

Voici à présent l’idée que nous avons développée pour le fonctionnement de l’ÉCOLEO.

Elle part du postulat que pour s’orienter vers la voie du Service d’autrui, il faut traverser la voie du Service de soi et l’utiliser comme tremplin pour créer le nouveau.

C’est pourquoi, notre idée est de partir de modèles déjà existants : une association et une SEP (Société En Participation). L’association combinée à la SEP permettrait tout en respectant la législation en vigueur prévue pour un système capitaliste, de trouver une issue à ce monde en perdition.

Notre association Nouvelle Terre de l'Aude, de type loi 1901 à but non lucratif, autorise par définition, un système financier qui ne thésaurise pas pour l'individu. Mais associée à une SEP, elle pourrait devenir une structure pour un collectif orienté au Service d'autrui qui lui permettrait de vivre. Cette structure, ne cherchant pas à faire du "bénéfice", viserait très précisément une décroissance financière, une économie de partage et une autonomie par dons et échanges. Comme notre éthique vise à nous extirper d'un système financier qui est en train de « détruire le monde », ce procédé permettrait à notre échelle de renverser cette tendance.

La SEP en question réunirait des auto-entrepreneurs motivés par la même éthique : celle de suspendre le réflexe de thésaurisation compulsive de l'argent, pour embrasser une logique de partage et d'entraide. Idée que nous sommes en train de mettre sur pied dans le village où je réside.

 

Comme je le disais plus haut dans cette lettre, je fais partie de ces futurs auto-entrepreneurs ! Prête à offrir mes compétences de coach en expression corporelle, mise en scène et/ou yoga mais aussi en traduction puisque je parle plusieurs langues. Toutes sortes d’ateliers/formations verront le jour, toujours suivant la logique de « participation libre » puisque le principe de don et de libre échange deviendra la ligne directrice pour cette expérience "d'école-logique".

 

Nous nous sommes d’ores et déjà mis en relation avec le Maire d’Albières et ses habitants puisque ce projet se développera également par et pour eux. Il n’est en rien un projet de vie sous la forme d’un repli sur soi, bien au contraire !

 

Lors de mon inscription à Pôle emploi, je décrivis à mon conseiller notre projet et fus alors orientée vers les formations en eco-construction et rénovation de patrimoine proposées par Batipole. A la réunion d’information concernant ces formations, j’ai eu l’opportunité de présenter notre projet d’école-lieu comme chantier-école pour les candidats et formateurs de Batipole.

 

Enfin, notre association est également en lien avec la Map’Oc puisque notre futur tiers-lieu verra se développer de nombreux échanges entre diverses acteurs des localités environnantes dont des artistes, artisans, maraîchers, etc. Il constituera un lieu de vie à part entière pour réapprendre à vivre ensemble, à créer ensemble, pour qu'à nouveau, puisse émerger non pas la philosophie du Service de Soi, mais celle du Service d'Autrui, qui est l'essence même de l'humanité de demain.

 

Ainsi, Monsieur le Président, c’est dans le cadre bien précis de ce projet en devenir que je me suis permise de vous soumettre une demande de RSA.

Mon éthique personnelle n’est pas de quémander ou de profiter des autres. Je ne suis pas une touriste sociale qui cherche à profiter du système d’un pays. J’ai toujours cotisé, payé des impôts, comme n’importe quel autre citoyen européen, et mon intention n’est pas d’y déroger. Nous avons tous, qui que nous soyons, des droits et des devoirs.

Je suis activement en train de mettre en œuvre le moyen de vivre dignement sans avoir recours à une aide extérieure. Mais pour y parvenir, j’ai besoin de me retourner, j’ai besoin de manger et de me chauffer pour élaborer ma création d’auto-entreprenariat. J’ai besoin d’un peu de temps pour transiter vers mon autonomie, car malheureusement je n’ai pas encore de baguette magique. Le RSA constituerait donc simplement un soutien temporaire vers mon indépendance financière en tant que créateur de tiers- lieu. Ce dernier serait également créateur d'emploi, ne l'oublions pas !

 

Je pourrais apporter davantage d’informations sur notre projet, mais cela ne ferait qu’alourdir ce courrier.

Vous en entendrez peut-être parler, puisque s’ouvre une collaboration entre la Map'Oc et notre groupe.

En attendant, je vous fais parvenir en annexe un dossier complet attestant, s’il le faut, du sérieux et de l’engagement qui est le nôtre dans ce projet dans lequel nous déployons toute notre énergie.

Je conclurai par ces quelques phrases de Giuliana Conforto qui définissent exactement ce à quoi mes co-équipiers et moi-même nous attelons chaque jour :

 

« Imaginer consiste à concevoir une idée de base, la graine d’un projet qui peut se réaliser si on accomplit les actions nécessaires.

Un plan organique comprend la conception d’un projet, sa gestation et sa naissance. A peine né, le projet n’est pas encore suffisamment mature pour décoller, il réclame attention, soin, alimentation, protection, promotion.

La conception du projet est la phase la plus délicate et la plus importante ; c’est la partie de l’œuvre qui doit prévoir tous les détails, les effets, les particularités, qui doit être organisée et cohérente avec les buts du projet lui-même.

(...) Dans ce monde le travail est un châtiment qui ne nous laisse aucun instant de répit.

Avoir le courage de faire ce qui nous attire développe l’inventivité, la créativité et les talents, nous prouve à nous-mêmes que non seulement nous avons l’essentiel pour vivre, mais que nous réussissons à vivre bien. »

 

Je vous remercie d'avoir prêté votre attention à cette missive.

 

Dans l'attente de vous rencontrer sous d'autres hospices, je vous prie d’agréer Monsieur le Président, l'expression de mes sincères salutations.

 

Eli

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0