8. Vague à Lame - par Layla

 

« Nous ne mémorisons pas l’évènement en lui-même, nous mémorisons notre réaction émotive à ce même évènement . »

Ce qui est ainsi mémorisé, est donc notre réaction du moment (de l’époque), à ce qui se produit. Plus l’impact sera grand, plus l’impression (du verbe imprimer) sera profonde et le souvenir marqué." Mémoires karmiques

 

Je me souviens de ma mère, de son sourire, de sa douceur, de sa force, de sa présence, de son inquiétude, de son contrôle, de sa dureté, de ses sarcasmes, de nos conflits. Les traits de ma mère qui me reviennent en tête comme un rappel que je pleure. Ma mère que j'aime profondément. Aimer, un mot empreint d'un attachement vivace. Que signifie t-il ?

 

Je vis comme une torture le processus du détachement. Et pourtant il est inéluctable. Est-ce que la Conscience s'attache ? Accepter les remous intérieurs, les vagues de douleurs . Je n'oublie pas vers qui-quoi je souhaite accéder, ce qui m'apaise.

Il n'y a pas de drame, il y a juste des couches successives d'illusions à traverser, dépasser.

 

Comme j'étais heureuse lorsque mon frère est venu me voir sur Albières et que je lui ai présenté le groupe. Heureuse ou confortée dans l'idée que petit à petit les miens me rejoindront et qu'ensemble nous cheminerons. Quelques jours après sa venue et bien qu'il ait été interpellé par les retours du groupe, il m'envoya un mail enrobé de jolies phrases pour me demander de ne pas publier des photos ou vidéos de sa copine et de lui sur le réseau Léo.

T'inquiète frérot ou plutôt REGARDE ! La récupération est flagrante, fulgurante, pas surprenante ! Prédateur, quand tu me tiens !

 

Je tourne en rond à travers l'attachement avec Isma-ël, ma mère et mon père car je continue d'entretenir l'idée de les emmener avec moi tels des choses inanimées. Les emporter avec moi en dépit de leur volonté propre, en mode service de soi égotique afin de ne pas souffrir de leur perte, de notre séparation. Espérer une dérogation. "L'espoir est un futur non résolu." Je fais semblant d'ignorer mon désir de les appeler ou de les voir. Ignorer le fait qu'ils me manquent. Pourquoi ?

Parce que je nie l'attachement. Si je le nie, disparaîtra -il ? Si je mets la main devant les yeux, existe t-il ? Aura t-il moins ou plus de force ? Perpétuer le programme, le connu, l'enfermement. Refuser les lois universelles du libre arbitre. Libre d'arrêter ou de poursuivre le Jeu.

 

"Ce que tu donnes, tu le reçois au centuple". Et inversement. Si je suis en retenue, que puis-je recevoir de l'Univers ? Du mouvement ou de l'immobilité ? Le changement ou la mortification ?

Je me retiens de dire, d'émettre, de ressentir, d'accepter. Je suis comme le guignol qui s'agite en attendant que cela passe.

Le contrôle me contrôle. Peur de l'inconnu, peur du mouvement, peur de laisser aller, peur de la VIE ! Voici une succession d'ineptie pour le joli collier qui me maintient docile et silencieuse. Apprendre à lâcher et faire confiance !

 

J'ai finalement appelé ma mère après deux mois de fuite et de déni. Je n'ai pas eu envie de pleurer. Je l'ai rassuré. "Tout va bien, ici, ma vie a du sens. Je suis avec des personnes qui, comme moi, souhaitent apprendre."

 

Je poursuis l'identification de mon prédateur. Il est parfois plus facile à déceler chez l'autre. Je suis à l'école du lever au coucher. Mes colocatrices sont mes enseignantes. Elles incarnent le miroir de ce que j'étais, de ce que je suis, de ce que je ne suis pas, de ce que je serais ?

Entre beauté et laideur, animalité, fuite, ignorance et connaissance, je navigue. Qui suis-je ? Je suis un animal à deux pattes, à peine consciente. Facilement récupérée par son instinct de survie et son aveuglement.

Je me sens triste, d'une tristesse infinie et indéfinie. Mes proches sont le groupe aujourd'hui. Et Ismaël, qui est-il ? Le lâcher c'est accepter de m'éloigner de lui, de rompre le lien ? Est-ce cela que j'ai décidé ? M'éloigner de la chair de ma chair ? M'éloigner de la culpabilité, de l'inquiétude, de la peur ?

Le sentiment d'esseulement est incommensurable. Seule et entourée. A la fois chacun sa merde et chacun un peu de la merde d'autrui. Traiter la part du Diable en soi et chez l'autre. Mais qui est l'autre ? Il est l'allié et l'ennemi. Il est intérieur et extérieur. Les pensées, peurs, émotions diverses tournoient. Je voudrais que quelqu'un me prenne dans les bras et me dise "ça va aller Layla", "Tu vas arriver à dépasser tes peurs. L'inquiétude et la peur sont vaines."

 

Pile ou face. Je saisis la pièce de monnaie. Sur la partie face, il y a le visage difforme d'un programme qui s'oppose à pile. Pile et face font partie de la même pièce. Deux parties d'un même ensemble. L'un peut-il être sans l'autre ? L'un peut-il exister, se défaire sans l'autre ? Mise en place idéale créée par "Celui qui sait ce que je dois apprendre". Me défaire avec soin et profondeur de ces programmes qui me collent à la peau, à la perception, à l'émotion-sensation.

 

Mon esprit vagabonde sur certains évènements du passé, j'observe que je n'éprouve plus le même impact, trace émotionnelle, la même douleur qu'avant, comme pour l'histoire de la petite fille (moi) qui suit l'homme dans les toilettes que j'avais eu beaucoup de mal à écrire. Aujourd'hui, je me sens moins en méfiance, en jugement avec certains masculins du groupe. Les voir se livrer, pleurer tend à assouplir ma peau de reptilienne. Est-ce l'expression subtile d'une réconciliation du féminin-masculin où chaque partie équilibre l'autre ? Est-ce une mise au point sur où j'en suis maintenant vis à vis de certaines mémoires ? L'avancement est minime et intéressant à observer.

 

Depuis quelques jours, je regarde autrement les jeux d'alter que j'alimente. J'ai l'impression de m'y amuser depuis des millénaires. J'ai vécu un fort sentiment de routine que j'attribuais aux actes de la vie quotidienne, à ce que je faisais. Mais je comprends que je sature simplement de ce que je suis. La routine en est le symptôme et l'alerte qui dit "Renouvelle-toi !".

J'accrois et reconnais la responsabilité de ce que je reproduis depuis des lustres. Je décide (enfin !) d'arrêter d'entretenir ce marasme visqueux. Si je te tiens, alors tu me tiens ? Et si je ne te tiens plus, est ce que tu me tiens ? Changer de jeu, découvrir de nouvelles règles, ouvrir une nouvelle porte. Décider et voir ce qu'il advient lorsque je lâche prise. Agir, penser tout autrement et regarder ce qui se manifeste. C'est ce que je souhaite expérimenter désormais. Ma rage, mon sentiment de dévastation, d'injustice n'ont plus leur place. Il est temps de changer de décor !

 

Layla (cen11)

 

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